L’accessibilité au cœur du service Web&UX du CTIE
Nicolas Ambroise, expert accessibilité numérique au Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE), lève le voile sur la manière dont se vit l’accessibilité numérique au quotidien dans le service Web&UX.
vendredi 25 octobre 2024
Comment le service Web&UX accompagne-t-il ses clients pour veiller à une meilleure accessibilité ? Quels sont en la matière les défis majeurs à venir ? UX et accessibilité font-ils bon ménage ? Nicolas Ambroise s'est prêté au jeu des questions - réponses.
Qu’est-ce qui t’a mené à t’intéresser à l’accessibilité ?
J’ai débuté ma carrière au Luxembourg en 2011 après un cursus d'étude en école d'ingénieur à Nancy.
Après dix ans dans le développement mobile et web, j’ai rejoint le CTIE. Depuis deux ans, je suis le référent en accessibilité numérique pour le service Web&UX (User experience ou expérience utilisateur, ndlr) du CTIE. Ma principale mission est de conseiller les équipes afin d'améliorer l'accessibilité des sites web et des applications développés par l'État.
Contrairement à la majorité des personnes qui s’engagent dans cette voie, ce n’est pas la présence de personnes handicapées dans mon entourage qui m’a poussé dans ce domaine. Perfectionniste, je souhaite améliorer la qualité des sites web et applications via des bonnes pratiques : pas seulement en termes d'accessibilité, mais également en termes de référencement, de sécurité, d'optimisation des performances, de normalisation, etc.
L’aspect accessibilité est ce qui me permet le plus de rendre service aux utilisateurs car ce qui est bénéfique pour les personnes en situation de handicap est bénéfique à tous.
Concrètement, que fait ce service Web&UX ?
Il est constitué d'une vingtaine de personnes aux profils variés (chef de projet, designer UX & UI, intégrateur front, développeur back, expert accessibilité). Il s'occupe de la création technique et graphique des sites web étatique ainsi que de leur maintenance. Le portefeuille contient plus de 250 sites (portails thématiques *.public.lu hors MyGuichet.lu, sites des ministères et administrations *.gouvernement.lu, sites d’ambassades *.mae.lu). Les contenus sont élaborés par les clients eux-mêmes.
Au CTIE et au-delà, quels alliés t’épaulent pour porter la cause de l’accessibilité numérique ?
Dans l’ensemble, les équipes du CTIE sont sensibilisées et parviennent de plus en plus à anticiper et ainsi éviter des problèmes simples ou récurrents.
Le CTIE mène ses propres audits d’accessibilité, ce qui permet d’avoir une appréciation objective de notre propre travail. Les conclusions et conseils nous aident à améliorer constamment les sites web.
Le service information et presse (SIP) est l’organisme de contrôle de l’accessibilité des sites. Il travaille sur les référentiels d’accessibilité utilisés au Luxembourg comme le RAWeb.
L’INAP nous aide pour mettre à disposition des formations afin de sensibiliser les rédacteurs à cette thématique. Il faut être conscient que l’accessibilité d’un site ne se traduit pas uniquement par du code HTML accessible mais également par des contenus (textes, médias, etc.) accessibles.
Citons enfin l’Office de la surveillance de l’accessibilité des produits et services (OSAPS), créé récemment. Il doit guider et, le cas échéant, sanctionner les entreprises dans leur processus d’amélioration de l’accessibilité. C’est un acteur qui contribue à sensibiliser sur les questions d’accessibilité au Luxembourg, mais il n’est pas lié directement à notre activité.
Comment se passe le travail au quotidien avec les développeurs ?
Mon objectif est de conseiller et de détecter les problèmes d'accessibilité le plus tôt possible dans le processus de création ou de refonte des sites. Par exemple, il est possible de détecter un problème de contraste dès l’étape de réalisation de la maquette.
Après chaque création ou refonte de site, un audit est effectué afin de vérifier l'accessibilité. À la suite de l’audit, une phase de réflexion avec les développeurs permet de choisir la meilleure solution pour corriger les problèmes remontés.
L’accessibilité des sites et apps tend-elle à s’améliorer ?
Depuis la loi du 28 mai 2019 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public, le sujet a bien gagné en visibilité. Les équipes du CTIE sont de plus en plus réceptives, sensibilisées et les questions qui me sont posées gagnent en pertinence.
Les audits d'accessibilité remontent des taux de conformité en constante progression. Ces résultats, publiés annuellement par le SIP, encouragent les autres partenaires à suivre cette croissance.
Comment le CTIE accompagne-t-il ses clients, en particulier les rédacteurs, pour veiller à ce que les nouveaux contenus soient accessibles ?
Le service Web&UX met à disposition des clients une plateforme d’édition de contenus (Content management system, CMS) qui leur permet d'atteindre un taux de conformité au RAWeb 1 très élevé. Cependant, il faut former les rédacteurs qui saisissent du contenu afin d’être vigilant pour ne pas faire baisser ce taux.
Nous donnons des formations et accompagnons les rédacteurs sur les thématiques d'accessibilité. Nous travaillons actuellement à la réalisation de tutoriels vidéo à destination des rédacteurs afin de les sensibiliser davantage aux problèmes les plus souvent observé lors des audits d'accessibilité sur le contenu (présence d’alternative sur les images, changement de langue dans le texte, structure des tableaux et des listes, etc.)
UX et accessibilité font-ils bon ménage ?
Les deux thématiques sont très liées et une analyse de site fait remonter régulièrement des observations communes. La frontière est assez poreuse et pour le moment il n'y a pas encore eu de conflit important.
Nous avons eu par exemple une discussion sur la notion de mobile first. Côté UX, le souhait était de proposer un minimum d’informations en mode mobile et davantage de détails en vue desktop. Côté accessibilité, demeurait la nécessité d’avoir la même information en desktop qu'en mode mobile ou zoom. Cela a débouché sur des compromis comme le placement de certains contenus dans des éléments accordéon, etc.
Les graphistes qui travaillent sur nos projets sont tous sensibilisés et formés sur les problématiques d’accessibilité (p.ex. les contrastes). Lorsque le client arrive avec une maquette qui a été réalisée en amont sans notre conseil, cela entraîne souvent plusieurs aller-retours pour l’adapter.
Le CTIE est en train de mettre sur pied un design system, quel en sera l’impact sur l’accessibilité ?
Ce design system, actuellement en phase d’ébauche, aura pour but de délivrer au citoyen une expérience utilisateur qualitative et cohérente à travers les services en ligne de l’État. Il sera avant tout à destination du CTIE et des prestataires sous contrat avec l’État.
Le design system permettra également de fluidifier la collaboration entre les équipes et de gagner en efficacité et en vélocité sur le développement de projets digitaux, grâce à une base de référence commune. Celui-ci contiendra les principes ergonomiques, graphiques et d’accessibilité applicables aux projets numériques de l’État.
Contrairement à la majorité des design systems, nous sommes partis sur une normalisation des composants sans charte graphique et sans framework. Cela permettra au design system de convenir à une majorité de projet digitaux et d’être facilement réutilisé.
Quels sont pour toi les défis majeurs à venir ?
Nous travaillons à l’amélioration de la détection des principales erreurs d'accessibilité lors de la rédaction de contenu et de la configuration des sites. Une extension de navigateur et un bookmarklet sont en développement. L’idéal serait d’intégrer ce module directement dans le CMS afin que les erreurs soient remontées lors de la saisie par le rédacteur, avant même la publication en ligne du contenu.
Toujours dans cette veine, il reste essentiel de guider les utilisateurs pour améliorer l’accessibilité de leurs contenus bureautique (PDF) et de leurs vidéos.
Un dernier mot : être conforme à 100% à un référentiel ne suffit pas à l’inclusion de l’ensemble des utilisateurs. Il est important de garder de l’humain et de récupérer des feedbacks pour l’ensemble de nos processus.