2023 : le web progresse, les apps mobiles patinent
Quelques sites web publics ont décroché de belles performances, mais sur le mobile la marge de progression reste importante
lundi 22 janvier 2024
Quinze sites web publics ont fait l’objet d’un audit d’accessibilité détaillé en 2023. La tendance est positive : le taux de conformité s’établit en moyenne autour de 54%, soit six points grappillés par rapport à 2022 (48%). Elle-même avait gagné quatre points depuis la toute première campagne d’audits en 2020-2021.
Cette dynamique ne doit cependant pas faire oublier qu’une telle moyenne reste trop proche du seuil de la conformité partielle (à partir de 50%) et que l’objectif fixé par la loi est, purement et simplement, la conformité, de 100%.
Les disparités constatées l’an dernier sont encore plus marquées cette année, avec cinq très bons élèves assez haut dans le classement (marchés publics, logement.lu, portail des enquêtes publiques, inspection du travail et des mines et, enfin, le nouveau site de la Chambre des députés), tous assez loin devant le numéro un de l’année 2022 (covid19.public.lu, 66%).
Premier enseignement : à 89% de conformité, la pleine conformité n’est pas un objectif inatteignable, même pour des portails plutôt riches et complexes.
Deuxième leçon : si le CTIE « truste » les quatre premières places, révélant un certain savoir-faire en matière d’accessibilité numérique, d’autres acteurs ont su la faire respecter, au premier rang desquels l’équipe projet qui a entouré la refonte du portail chd.lu.
Moins de la moitié de l’échantillon (7 sites) dépasse la barre des 50% de taux de conformité, palier qui sépare la non-conformité de la conformité partielle.
Un taux de conformité, c’est ici la synthèse des conformités et non-conformités recensées au travers de 106 critères RGAA, eux-mêmes répartis au sein de treize thématiques. Il n’est cependant qu’une mesure et un taux élevé ne garantit pas un site accessible. Un portail web peut bénéficier d’un taux de plus de 90%... si les pourcents restants sanctionnent une navigation inaccessible, l’ensemble des pages ne pourra pas être consulté par des personnes en situation de handicap.
En tête du top 10 des non-conformités : des problèmes aisément solubles...
Quels critères ont été le plus souvent pris à défaut ? Autrement dit, qu’est-ce qui cloche le plus dans les audits menés en 2023 ?
Les questions de styles sont nombreuses et, pourtant, relativement simples à améliorer : il s’agit de textes et de composants interactifs (comme des boutons) qui nécessitent un meilleur contraste, de paragraphes vides qu’un style dédié pourrait remplacer en définissant une marge adéquate, d’un focus trop peu visible, voire invisible, lorsqu’un utilisateur navigue au moyen de la touche de tabulation. Dans la majeure partie des cas, il suffit d’ajuster la feuille de styles du site. De temps à autre, un développement spécifique, comme la mise à disposition d’un style switcher, est requis.
Arrivent ensuite des questions de structuration de l’information : des titres agencent-ils correctement le contenu de la page ? Titres et listes font-ils appel aux balises HTML canoniques ? Ces éléments, parmi d’autres, permettent aux technologies d’assistance d’assurer un parcours optimal de la page. Ces dernières restitueront d’autant mieux le contenu que chaque changement de langue aura été indiqué par les développeurs... ou les éditeurs de contenu.
Cette dernière précision est importante : dans un certain nombre de cas (contrastes insuffisants, utilisation abusive de balises HTML à des fins de présentation, absence de titres pertinents, images de décoration qui ne sont pas ignorées par les lecteurs d’écran), la responsabilité peut incomber à l’équipe de développement ou à l’équipe éditoriale... d’où la nécessité de formations en accessibilité dédiées et adaptées à tous les intervenants d’un projet web.
... et d’autres éléments moins basiques
La compatibilité des scripts avec les technologies d’assistance est, elle, une question spécifique dévolue aux développeurs. Il s’agit là d’éléments d’interaction souvent vitaux – un menu de navigation par exemple – pour lesquels le respect des motifs de conception ARIA peut nécessiter de nouveaux développements.
Les documents bureautiques (PDF et documents Office) concluent ce tour d’horizon : peu évidents à rendre accessibles, ils peuvent représenter une barrière à l’information si aucune alternative, par exemple sous la forme d’une page web accessible, n’est prévue. L’année 2023 a vu l’arrivée, sur notre portail, d’un référentiel spécialement conçu pour l’accessibilité des PDF : nous vous invitons à le consulter et à (re)lire notre étude sur l’accessibilité des PDF publiés sur les sites publics.
Apps mobiles : une chute problématique
Impossible ici d’évoquer une quelconque progression quand le taux de conformité des apps auditées l’an dernier se situait à 49%... contre 43% en 2023. Six points perdus... cela pose question, pour un palmarès où seules deux apps sont conformes : Meteolux, avec un score plus qu’honorable de 66%, et vdl.lu (59%).
Dans un monde où les apps sont de plus en plus massivement utilisées, l’effort porté sur leur mise en conformité doit être capital.
Le référentiel dédié aux apps, le RAAM, partage 107 critères en quinze thématiques. Six critères cumulent la moitié des non-conformités :
- Deux critères intégrés dans la thématique « Couleurs », sanctionnant l’insuffisance des contrastes des textes et des composants d’interface ;
- Un critère invalidant des composants incompatibles avec les technologies d’assistance (par exemple un composant qui n’annonce pas sa nature ou son nom, des boutons dépourvus d’intitulés, un menu qui n’annoncerait pas de changement d’état, « ouvert » ou « fermé ») ;
- Un critère rapportant l’absence de titres appropriés pour structurer l’information ;
- Un critère dévoilant l’impossibilité de doubler la taille des caractères en gardant l’ensemble des textes lisibles ;
- Enfin, un critère révélant une app incompatible en mode paysage.
D’autres critères suivent, veillant notamment à ce que les images de décoration soient ignorées par les lecteurs d’écran, à ce que les listes soient correctement structurées, à ce que les composants d’interface puissent être contrôlés par le clavier ou tout autre dispositif de pointage ou encore à ce que la documentation de l’app soit accessible et décrive ses fonctionnalités d’accessibilité.
L’écart entre communes et sites étatiques demeure
En sus des audits complets, le SIP a procédé à 93 audits web simplifiés. La note moyenne (56%, deux points de plus par rapport à 2022) est proche de celle constatée pour les audits web complets. Dix sites ont un taux de conformité supérieur à 80% - tous en .public.lu, dont infocrise.public.lu, seul site à présenter une conformité totale, selon les critères examinés. Plus de la moitié de l’échantillon (56 sites) dépasse la barre des 50% de taux de conformité.
En pied de classement se trouvent encore essentiellement des sites de communes. L’écart entre ces derniers et les sites étatiques reste important. Et s’il a tendance à se resserrer de trois points par rapport à 2022, il est dû non pas à une amélioration de la moyenne des sites locaux (qui reste à 47%) mais à une légère chute de la moyenne des sites étatiques, qui perdent trois points.
Moins de réclamations... mais toutes satisfaites
Dix-huit en 2020-2021, neuf l’an dernier, trois au 19 décembre 2023 : les réclamations que tout citoyen peut adresser, notamment via le formulaire de réclamation en ligne du SIP, ont concerné cette année exclusivement des problèmes d’accessibilités liés à des fichiers PDF, sur des sites étatiques. Dans l’ensemble des cas, une solution a pu être proposée rapidement.
Des progrès appelés à s’amplifier
Par rapport à 2022, le constat est plutôt positif : en dépit d’une contre-performance du côté des apps mobiles, les sites révèlent une progression palpable, mais c’est un résultat en demi-teinte si l’on constate la marge de progression qui existe encore... jusqu’à la conformité. 2025, c’est dans un an : le secteur privé devra, lui aussi, se montrer exemplaire en matière d’accessibilité numérique, comme l’exige la loi votée en mars 2023. Le secteur public a un an pour montrer patte blanche. Voici les sites et apps qui seront soumis à un audit durant les deux prochaines années.